THE ELEVENTH VERY NEW PAENTING 1992

Certaines compositions, réalisées par Hockney en 1986 à l'aide de sa photocopieuse (Rouge, bleu et osier juillet1986), annoncent directement la série des " Very New Paintings" de 1992. Pour mettre au point ses " Home Made Prints " [Lithographies maison), pour pallier à l'impossibilité technique d'évoquer les profondeurs par des nuances tonales, il doit multiplier les effets de trames. La photocopieuse s'avère particulièrement performante dans le rendu des textures obtenues par des effets linéaires. Des fragments de cartes routières, d'empreintes de parquet, de grillage ou de tissus photocopiés constitue la " palette " avec laquelle il compose ses images. Les " Very New Paintings ", qui hybrident à l'infini effets graphiques et picturaux, sont les héritières directes de ces trames propres à la photocopie.

Les décors du Tristan et Isolde, conçus en 1986 pour l'opéra de Los Angeles, permettent à Hockney de suggérer, pour la première fois, un espace complexe et mouvant avec des moyens formels rigoureusement abstraits.

La série des fax de 1988 opère la synthèse entre les trames photocopiées et l'abstraction des décors de Tristan, franchissant cette voie qui le mène aux peintures de 1992. Ne manque plus que la couleur. Elle survient avec la série des 40 Snaps 0f my House [40 instantanés de ma maison] réalisée en 1990, à l'aide d'un appareil photographique numérique, avec les images saturées que génère leur traitement informatique. Un an plus tard, l'usage d'une palette graphique pour ordinateur permet à Hockney d'utiliser des couleurs d'une intensité jamais atteinte jusque-là. Dès lors, il dispose des éléments formels, techniques et chromatiques des " Very New Paintings ".

Nous sommes quelques-uns (heureusement pour ce que ces interprétations pourraient révéler de fantasmes personnels), à interpréter les " Very New Paintings " en termes érotiques. Gregory Evans les découvrant, y décèle des " allusions sexuelles ". Ne peut-on pas pousser l'audace exégétique jusqu'à y voir des endoscopies? Le souvenir de Corps étrangers de Mona Hatoum peut à la limite induire une telle lecture, faisant des plis de l'image peinte des muqueuses colorées. La continuité d'une pensée issue des spéculations sur la perspective inverse suffirait, à elle seule, àlajustifier. La Promenade autour du patio de l'hôtel, Acatlan, les chaises de van Gogh ou de Gauguin ont imposé la forme d'images érectiles, d'anamorphoses dont la dimension érotique n'a pas échappé à Jacques Lacan. Voir des endoscopies dans les " Very New Paintings " conduit à penser que l'art de David Hockney n'a pour but que de renouer avec l'antique " oeil du phallos ".

Dans son étude sur le regard tel que le concevaient les Grecs, Françoise Frontisi-Ducroux démontre quelle conjonction de mythe et de savoir produit, chez les Grecs, un regard de nature sexué : " Si le regard est sexué, c'est qu'il est conçu selon un modèle physiologique précis, celui du fonctionnement de l'organe masculin " . Cette conjonction des pulsions scopiques et sexuelles est illustrée sur les amphores et sur les coupes antiques par la figure du " phallos à oeil ".

L'audace d'une telle exégèse nous conduirait à penser que ce sont les regardeurs obsédés qui font les tableaux érotiques. Mais après tout, comment interpréter les propos de Hockney lorsqu'il nous dit à propos de ses " Very New Paintings " j'ai en l'impression de peindre des paysages intérieurs ?

D.O (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )