CANVAS STUDY 0F THE GRAND CANYON1998

 

Comme A Bigger Splash que précèdent A Little Splash et A Splash, de tailles intermédiaires, A Bigger Grand Canyon est annoncé par des canyons de tailles réduites à moyennes. Rapporté à la version définitive, Canvas Study 0f the Grand Canyon tient de la pochade vigoureuse. Chromatiquement, le Grand Canyon et son étude sont aussi différents qu'une peinture fauve de Derain peut l'être d'une oeuvre de Marquet (l'aspect cotonneux des buissons du Grand Canyon, le sentiment crépusculaire à la Claude Gellée qui règne dans cette oeuvre incite à ce rapprochement). Touches dissociées et véhémentes, contrastes accentués des verts et des rouges, Canvas Study... ne s'embarrasse ni de nuances, ni de fioritures. Ce que l'oeuvre perd en équilibre et en complétude, elle le gagne en vigueur et en complexité. Son espace n'atteint pas à la sérénité grandiose de l'oeuvre finale. Plus proche par contre du photocollage qui l'inspire, elle en restitue la sensation oscillatoire d'espaces tout à la fois creusés et rabattus (la masse rocheuse de la partie gauche assume violemment cette ambiguïté). Un canyon, d'avant sa domestication par l'esprit. Une mer rocheuse chaotique, une oeuvre plus " sublime " au sens des romantiques, Canvas Study... restitue la sublimité de son motif par la violence du tellurisme qui semble l'animer.

Par sa composition, cette oeuvre rappelle immanquablement un schéma qui peut apparaître comme un trope hocknéen. Dans une interview avec le peintre, Lawrence Weschler évoque à propos du Grand Canyon le motif du décor imaginé par Hockney pour sa mise en scène du Tristan de Wagner . Ce schéma d'un éperon rocheux flanqué de deux falaises (la proue d'un navire en ce qui concerne Tristan) existe dans l'art de Hockney depuis les années soixante. Dans Ordinary Painting de 1964, ce sont deux rideaux qui cadrent le monticule d'un paysage du Midwest. Rideaux et monolithes se retrouvent ainsi agencés dans The Actor [L'acteur] de la même année. Rocher en éperon et falaises servent enfin de cadre, en 1978, à la première scène de l'acte 1 de La Flûte enchantée. Ce schéma s'interpose de façon récurrente entre Hockney et le monde dont il conçoit l'image.

D.O (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )