MONTCALM INTERIOR WITN TWO DOGS juillet 1988

La maison de Hockney, à Hollywood Huis, lui a inspiré plusieurs tableaux. Parmi les premiers d'entre eux, Hollywood Hills House a été peint de mémoire, à Londres, dans les années 1981-1982. La peinture offre trois aspects différents de la maison où Hockney vient juste de s'installer. Avec les peintures de paysages Canyon Painting et Nichols Canyon, Hollywood Hills House rend compte du plaisir retrouvé par l'artiste à pratiquer une peinture faite de couleurs vives et violemment contrastées. Les intérieurs des années 1988-1989, au nombre desquels comptent Large Interior et Montcalm Interior witb Two Dogs, constituent autant d'investigations d'un espace obtenu par la multiplication des points de vue. Hockney, soucieux de démontrer les faiblesses, les limites de la perspective traditionnelle, trouve dans les " relations d'incertitude " de Heisenberg, la confirmation du bien-fondé de ses recherches. Il s'agit alors pour lui de faire entrer le spectateur dans le tableau. Dans un entretien de mars 1988, il s'explique : Une part des travaux de Heisenberg concerne les mesures. Nous tentons de mesurer le monde comme Si nous n'étions pas dedans, ce que Heisenberg, bien sût; récuse. On ne peut mesurer sans mesureur. En en prenant conscience, nous nous enrichissons intérieurement. Ceci me semble une vérité supérieure et doit, à mon point de vue, être appliqué à toutes les formes de représentation par l'image, y compris la photographie, la télévision et le cinéma.

En 1984-1985, dans plusieurs lithographies de la série " Moving Focus ", Hockney avait étudié comment la combinaison de différents points de fuite pouvait amener le spectateur à éprouver le sentiment de se promener dans le tableau. Contrairement à ce qui se passe avec A Visit with Christopher and Don, Santa Mon ica Canyon, peinte en 1984, ces lithographies ne déterminent aucune direction univoque de " promenade " dans l'oeuvre mais la possibilité d'une cénesthésie aléatoire. Les intérieurs de 1988 relèvent de la même démarche. Leurs espaces sont complexes et saisissants au point de devenir hypnotiques (Large Interior, 1988). Montcalm Interior witb Two Dogs atteint cette intensité par l'échelonnement en profondeur des fauteuils, du lit de repos, des tables et d'un piano à queue. Les cercles que forment les éléments du mobilier focalisent la composition sur le centre de la pièce. La véranda, les niches visibles sur les côtés et les poutres du plafond accentuent l'effet de "fuite " des parties latérales du tableau. Les objets, les éléments du mobilier sont représentés avec clarté et simplicité, sans jamais toutefois devenir abstraits. Les petits tableaux accrochés sur le mur du fond sont reproduits, malgré la modestie de leur format, avec une netteté qui va jusqu'à permettre de distinguer la nature de leur encadrement.

Paradoxalement, l'impression d'espace que suscite Montcalm Interior with Two Dogs va croissant si l'on s'éloigne de l'oeuvre. Cette sensation semble vouloir capter le spectateur, l'empêcher de quitter le tableau.

Montcalm Interior witb Two Dogs nous aide à comprendre ce que signifie Hockney lorsqu'il parle de mesure. Il ne pense naturellement pas au format de ses oeuvres. Il parle d'un rapport d'attention, pour lui nécessaire, entre lisibilité des détails et de la facture et impression lointaine, qui piège ses spectateurs dans les mailles complexes de sa toile.

K.H traduit de l'allemand par M.C (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )