LARGE INTERIOR, LOS ANGELES 1988

Au milieu des années quatre-vingt, Hockney entreprend d'appliquer à sa peinture les recherches spatiales issues de ses photocollages. La lithographie en couleur, par sa souplesse d'utilisation, sa rapidité d'exécution, est le médium privilégié de cette transition qui le conduit, en 1988, à concevoir le monumental Large Intenor, Los Angeles.

Pembroke Studio Interior [Intérieur de l'atelier de Pembroke], lithographie de 1985, appa raît comme le trait d'union entre photocollage et peinture. De façon significative, une, représentation du Desk [Bureau], un photocollage de 1984, apparaît sur un chevalet, au centre de l'image. Sur le bureau est posé un volume du catalogue Zervos de l'oeuvre de Picasso, ouvert sur une composition du cubisme synthétique. De l'oeuvre cubiste au Large Interior de 1988, tout n'est qu'affaire d'emboîtement et de mise en abyme. Dans le photocollage, la peinture de Picasso fixe la norme conceptuelle, spatiale et formelle, appliquée à l'ensemble de l'image. Dans la lithographie de 1985, c'est le photocollage, évoqué graphiquement, qui définit le " cubisme" appliqué au traitement de l'espace.

Le Large Interior de 1988 soumet le salon de David Hockney à l'analyse, à la synthèse formelle à laquelle le tableau de Picasso soumettait une guitare. Ce travail de purification, de shématisation formelle, se mesure par la comparaison du Small Interior, July 1988 [Petit intérieur, juillet1988] avec la version définitive du même sujet. Certains éléments du mobilier ont disparu, d'autres se sont trouvés stylisés afin de renforcer la cohérence de la composition finale. Ultime dm d'oeil à ce cubisme qui constitue la source conceptuelle de l'oeuvre, le sol du Grand Intérieur est traité avec le peigne des peintres décorateurs que Braque, à l'époque héroïque du cubisme, avait élevé au rang d'instrument du grand Art. Peint trois ans après La Promenade autour du patio de l'hôtel, Acatlàn , le Grand Intérieur s'en distingue par le statisme affirmé de son spectateur. Entre les deux oeuvres, Hockney est revenu au décor d'opéra. En 1986, pour le Los Angeles Music Center Opera, il conçoit les décors de Tristan et Isolde de Wagner. Il transpose alors au décor d'opéra les trouvailles spatiales réalisées par la pratique des photocollages. Par des formes élémentaires et le recours à des points de vue variés, son décor de Tristan tend à plonger le spectateur au coeur du drame qui se joue sous ses yeux. Le principe d'une boîte immobile (la scène), appréhendée pourtant de façon complexe et empathique, est celui qui régit la conception du Grand Intérieur. Sans quitter sa position frontale et immobile face à l'oeuvre, le spectateur découvre les quatre faces du cube dans lequel Hockney dîne, lit son journal, et médite devant l'âtre son prochain tableau.

D.O (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )