DOUBLE EAST YORKSHIRE1998

Par leurs couleurs et leurs lumières, les oeuvres créées dans le Yorkshire en 1997 évoquent l'époque des moissons, l'éclat de l'été. Les deux toiles peintes à LosAngeles, Double East Yorkshire et Garrowby Hill, sont, elles, chromatiquement, iconographiquement, liées à l'automne. Leurs couleurs plus sombres sont celles des champs moissonnés, de la terre déjà labourée. Pour peindre Double East Yorkshire, la plus grande des deux toiles, David Hockney a donné à son pinceau les mouvements d'un brabant. Le tableau est formé de plans striés qui sont autant de sillons. Le paysage ondoie comme le fait, dans des oeuvres plus anciennes, la mer à Malibu . Semblables à une bouteille de Klein ou à un ruban de Möbius, les parcelles de terre jouent d'une ambiguïté sans fin, du concave au convexe. Le souvenir des tableaux à bandes de Frank Stella de la fin des années cinquante est ici prégnant, dans ce jeu de stries parallèles qui redressent les labours sur le plan de la toile. Le tableau, évocation rythmique des paysages du Yorkshire, unit les moments d'une vision lointaine à la perception d'une terre à portée de main. Le jeu des lignes courbes, les proportions inhabituelles de l'oeuvre (1 x 2,5) évoquent immanquablement celles de Spring Turning , une toile peinte en 1936 par l'Américain Grant Wood. Un rapport identique, entre hauteur et largeur du tableau, rapproche les deux oeuvres. Tout comme ses tableaux de l'été apportaient en Angleterre la lumière de Californie, Hockney transpose dans le Yorkshire ses souvenirs du paysage de Wood. Dans Double East Yorkshire, le spectateur est plus proche de la terre qu'il ne l'est face à l'idylle champêtre du peintre américain. Hockney unit dans son tableau vision rapprochée et distance propre au panorama~ Wood, comme Stella, ne servent ici qu'au clin d'oeil d'une american touch. Hockney, le fils du Yorkshire agricole, n'a décidément rien d'un peintre régionaliste.

K.H traduit de l'allemand par M.C (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )