SAVINGS AND LOAN BUILDING 1967

Peint la même année que le Bigger Splash et les pelouses arrosées, Savings and Loan Building en reinterpréte le dualisme formel, opposant l'ordre de la géométrie et l'informe du végétal ou du liquide en mouvement. Des tableaux de cette époque, il est celui qui pousse le plus loin l'adoption des principes formalistes du minimalisme contemporain. Un ciel, plat et uniforme comme un monochrome, un building, aussi farouchement orthogonal qu'un tableau de Mondrian, Savings and Loan Building pourrait presque trouver sa place, entre Olivier Mosset et Richard-Paul Lohse, dans un musée du canton de Berne.

Le tableau a la précision, la netteté tranchante d'un manifeste rigoriste. Un manifeste qui toutefois serait déclamé par un orateur souffrant d'un irrépréhensible zozotement. Le cheveu sur la langue de l'orateur a pris ici la forme d'un bouquet de palmiers. Hockney, qui en 1966 a conçu les décors pour une représentation de l'Ubu d'Alfred Jarry, sait que tout discours d'autorité, que toute pose grandiloquente est vulnérable aux assauts de l'humour et de la dérision. Le discours formaliste, au milieu des années soixante, a acquis un tel pouvoir d'autorité et de censure. Lors de l'exposition des peintures de David Hockney en 1969, Clement Greenberg, le chantre du formalisme américain, ne craint pas de déclarer qu'il est scandaleux pour une galerie telle que celle d'André Emmericb d'exposer de telles oeuvres. Si la façade du Savings and Loan Building était la tête de la réincarnation du roi Ubu, nul doute que le toupet des palmiers peints par Hockney serait la plume qui lui chatouillerait le menton et, lui arrachant un sourire, mettrait son impudence à nu.

D.O (David Hockney : espace/paysage, centre Georges Pompidou )