CANYON PAINTING 1979
Après un séjour prolongé chez le graphiste Ken Tyler à New York, Hockney s'envole en octobre 1978 pour la Californie. Il entreprend aussitôt plusieurs toiles à l'aide de nouvelles acryliques particulièrement lumineuses. Initialement, Canyon Painting n'a pas été pensé comme un tableau autonome. L'oeuvre est destinée à expérimenter ses nouvelles couleurs. Hockney applique au pinceau une série de signes qui témoigne de l'intérêt qu'il porte à l'écriture picturale d'artistes " français " comme Picasso, Matisse, Dufy et Marquet, mais aussi à celles de Mondrian et Kandinsky. Il étudie diverses solutions pour créer des transitions entre les couleurs. Il teste la réaction de ses nouvelles acryliques sur un fond non préparé, observe les effets produits par la pâte et la perméabilité du matériau.
Au milieu des années soixante, Different Kinds 0f Water Pouring into a Swimming Pool, Santa Monica [Divers types d'eau se déversant dans une piscine, Santa Monica ], de 1965, avait une vocation analogue. L'oeuvre dressait l'inventaire des différents moyens de représenter l'eau. L'expérience acquise par la réalisation des " Paper Pools " [Piscines de papier] a contribué sans doute à libérer la technique de Hockney. Le regain d'intérêt qu'il porte aux Fauves n'est pas étranger à son nouveau souci d'expérimentation chromatique.
Au moment même où il teste ses couleurs dans ce qui deviendra Canyon Painting, il entreprend un grand tableau d'une largeur de six mètres ayant pour sujet Santa Monica Boulevard. Cette oeuvre ambitieuse, dont l'espace conventionnel et figuratif ne le satisfont plus, reste inachevée. Les expériences menées avec Canyon Painting le captivent bien davantage. L'oeuvre lui permet d'acquérir une aisance nouvelle, un rendu de la surface qui donnera bientôt un tour radicalement différent à sa peinture.
Depuis presque dix ans, Canyon Painting est sa première toile californienne. Ce paysage n'est pas composé d'après une perspective unique. Il est l'enregistrement d'une succession de détails, des différents aspects d'un canyon. Il n'est possible de recomposer le site qu'en additionnant mentalement chacun des détails de l'image. Dans les oeuvres qui suivront, Hockney étudiera systématiquement la façon de rendre l'impression d'un paysage vu d'une voiture en mouvement. Mulholland Drive: the Road to the Studio entraîne le spectateur dans un mouvement horizontal qui traverse l'image de droite à gauche et produit l'effet d'une vibration. Nichols Canyon, lui, décrit un mouvement curviligne, de bas en haut, jusqu'aux montagnes. Canyon Pain tmg est une panoplie, un répertoire de signes dans lequel Hockney puisera pour ses oeuvres à venir.
En 1981, cette oeuvre figure à l'exposition "A New Spirit in Painting" présentée à la Royal Academy de Londres. Son titre est alors Experimental Canyon, elle figure aux côtés de Nichols Canyon, Mulholland Drive: the Road to the Studio et Divine. Le tournant que cônnaît l'oeuvre de Hockney à la fin des années soixante-dix, plus libre dans le geste comme dans l'emploi de la couleur, devient manifeste avec Canyon Painting.
K.H traduit de l'allemand par C.M.-B
(David Hockney : espace/paysage, centre
Georges Pompidou )